ateliers d'écriture sur le thème de la tenue de travail, menés à Saint-Brieuc en septembre et octobre 2012
(les glaneuses détournées sont de Banksy)

vendredi 12 octobre 2012

Vagabondages

Nocturne. Mes fenêtres comme des échappées, des possibles où s'engouffre mon ennui. Ma main cherche à tâtons l'ouverture, la faille vers l'ailleurs. Mais mes yeux retiennent, rejoignent, raisonnent, trouvent ce papier dont les lignes me hameçonnent. Je suis pris au filet du devoir mais la lune me crie "ailleurs" et "autrement"... Mes doigts sur ma nuque cherchent l'hameçon... et je ne résiste pas à l'évasion, je pars, m'éclipse, me transporte, me sauve, deviens ce héros qui défend les foules laborieuses, les sauve de cette prison qui retient les jambes sous les bureaux et les âmes dans des cages du "rendre sa copie"; du "finir à temps", du "être efficace et productif"... Je deviens ce héros qui autorise enfin le rêve, les fenêtres ouvertes et les foules.

La lune a disparu, je me suis échappé dans un néant blanc. J'ai perdu mon statut au travail en finissant ma journée et je ne suis plus la statue qu'acclame la foule avide d'échappée...
Je suis dans un néant de moi, je traverse ce no man's land du "faire à l'être"...
Je marche vers mon rêve, vers les petites voix qui s'échappaient de ma nuque impatiente, au bureau.

Mais seul avec moi, sans attente autre que l'écoute de mon âme, toujours cette fenêtre, toujours cet ailleurs, l'incitation au voyage, une herbe plus verte ailleurs. Le rêve est-il dehors ou dans cette position alanguie, moelleuse et débranchée. Que demande mon corps... La lune est un cristal de bonheur et l'enfant se souvient d'un grand désordre clair.
J'essaie encore. Ce relâchement, cet abandon où l'esprit prend sa dimension quand les paupières baissent leurs rideaux. Et ce n'est plus un paysage mais une histoire, un monde à lui tout seul, un microcosme que ma pensée dessine et où je perds mes limites, où je me noie dans un infini de moi-même,... dans l'immobilité.

J'ai ouvert les yeux et la fenêtre est toujours là, m'offrant ses limites verdoyantes et féminines, ses chemins construits, ses lignes rassurantes. Je suis dans la vie, et hors de la vie, observateur passif qui reçoit cette image comme un tableau offert. Mon esprit s'apaise et se vide de ce qu'il reçoit. Je m'ouvre et j'appartiens à ce monde-là aussi, mon bureau est un mur. 

Margot

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